CHARTER AWARDS 2024 : retours en images
Cette année est marquée par un triste anniversaire, les 40 ans des centres de rétention ...
Un collectif d’associations dénonce, dans une tribune au « Monde », l’intention du gouvernement de durcir l’accès à l’aide médicale de l’Etat (AME), un projet dont les premières victimes seront les femmes en situation administrative précaire.
Le gouvernement de Michel Barnier piétine l’égalité entre les femmes et les hommes, transformant cette « grande cause » des quinquennats Macron en un triste symbole de régression. L’absence d’un ministère de plein exercice sur les droits des femmes et leur déclassement protocolaire étaient des signes avant-coureurs. Les premières cibles sont désormais sans équivoque : les femmes en situation administrative précaire.
En voulant durcir l’accès à l’aide médicale de l’Etat (AME) par décret [annonce faite par le ministre des comptes publics lors de la séance de questions au gouvernement devant l’Assemblée nationale du 15 octobre 2024], sans même consulter le Parlement, le gouvernement s’attaque aux plus vulnérables. Michel Barnier ne s’arrête pas là, il affirme dans un entretien au Figaro, paru le 29 novembre, vouloir réduire « sensiblement » le « panier de soins » pris en charge et s’engage à réformer l’AME l’année prochaine afin d’« éviter les abus et les détournements ».
Nous dénonçons chacun de ces projets et demandons leur abandon immédiat pour préserver la santé et la dignité de toutes les femmes. Aujourd’hui, l’accès à l’AME dépend de critères de revenus individuels (847 euros par mois pour une personne seule en France hexagonale). Cette couverture santé, bien qu’imparfaite, reste un pilier essentiel pour les personnes étrangères en situation précaire, dont une grande proportion sont des femmes : 192 000 femmes sont concernées par l’AME, selon les dernières données disponibles.
La vulnérabilité des femmes face aux situations d’emprise
Le ministre des comptes publics propose de modifier le calcul d’admission en intégrant les revenus du conjoint, menaçant de priver des dizaines de milliers de femmes de couverture santé. De nombreuses usagères de l’AME sont en effet des femmes sans papiers en couple avec un ressortissant national ou un étranger en situation administrative régulière, mais n’ayant elles-mêmes pas de titre de séjour. Cette vision patriarcale de la famille priverait un certain nombre de femmes migrantes de leur accès aux soins.
Si les revenus du partenaire sont pris en compte, les femmes dont le ménage dépasse le seuil d’admissibilité à l’AME (1 271 euros par mois pour un couple en France métropolitaine) seront exclues de ce dispositif. Sans autre protection sociale en raison de leur statut administratif, elles ne pourront plus se soigner.
L’Etat les maintiendrait alors dans une dépendance financière au conjoint, en contradiction totale avec de récentes avancées sur la question de l’autonomie, comme la déconjugalisation de l’allocation aux adultes handicapés depuis octobre 2023. En instaurant une dépendance aux ressources du conjoint, cette mesure risque également d’accroître la vulnérabilité des femmes face aux situations d’emprise et de violences conjugales.
L’accès aux soins sur le bon vouloir du conjoint
Selon les estimations de l’OMS, près d’une femme sur trois dans le monde est victime de violences physiques ou sexuelles au sein de son couple, cette dépendance exposant en particulier les femmes sans papiers, déjà en proie à une précarité administrative, économique et sociale. Nombre d’entre elles sont maintenues dans l’impossibilité de régulariser leur situation, parfois sous la coupe de partenaires qui refusent de se rendre avec elles au guichet des préfectures, les empêchent de renouveler leur carte de séjour ou de les laisser suivre des cours de français, autant de conditions nécessaires pour obtenir un droit au séjour.
La conjugalisation des ressources ferait reposer l’accès aux soins sur le bon vouloir du conjoint, rendant les femmes victimes de violences sexistes et sexuelles encore plus dépendantes pour leurs besoins de santé essentiels, notamment pour les soins post-agression ou la contraception d’urgence, ou encore pour la chirurgie de reconstruction à la suite de mutilations génitales. Exiger de ces femmes qu’elles sollicitent l’accord de leur agresseur pour se soigner, ce serait les enfermer davantage dans des situations de contrôle et d’isolement, limitant leur accès aux structures d’aide.
Cette mesure serait un recul majeur dans la lutte contre les violences faites aux femmes. Cela aurait également des conséquences désastreuses en matière de santé sexuelle et de santé publique, entravant la prise en soin des infections sexuellement transmissibles dont le VIH, notamment en empêchant l’accès aux traitements préventifs comme la PrEP, pour lesquels les femmes migrantes rencontrent déjà des difficultés d’accès.
Une violence institutionnelle
En outre, le gouvernement a annoncé « le renforcement des contrôles par l’Assurance-maladie » pour les personnes usagères de l’AME, à rebours des conclusions du rapport des services d’inspection générale de l’Etat dirigé par MM. Evin et Stefanini (décembre 2023) qui démontre l’absence de fraude et la rigueur du dispositif actuel. Avec de nouvelles exigences comme la production de documents d’identité avec photo, cette mesure exclurait de nombreuses personnes exilées ayant perdu leurs papiers, un phénomène courant pour les femmes migrantes fuyant des contextes de guerre ou de violence.
Les femmes, plus encore, risquent de voir leurs documents confisqués ou détruits, ou d’être contraintes au silence sous la menace de violences économiques et administratives. Cela ne ferait qu’aggraver le non-recours au dispositif, qui est déjà très élevé : 49 % des personnes éligibles à l’AME n’ont pas leurs droits ouverts (enquête « Premiers pas » de l’Irdes). Une nouvelle restriction des soins pris en charge par l’AME entraînerait par ailleurs des difficultés supplémentaires d’accès à la santé.
Ces mesures ne représentent pas de simples ajustements techniques : elles incarnent une violence institutionnelle qui touche en premier lieu les femmes précaires et étrangères. Derrière les discours sur le « renforcement des contrôles » et la « bonne gestion des ressources publiques », c’est un véritable recul pour la dignité et la santé des femmes. Que l’on ne s’y trompe pas : l’AME n’est pas seulement un sujet de santé ou de migration, c’est aussi un sujet d’égalité femmes-hommes.
Les signataires de cette tribune :
Pôle médias national #NousToutes
Benjamin Bégard-Mercier, responsable de structure, Association Paloma
Guilhem Canivet, président de Bad Boys
Fanélie Carrey-Conte, Secrétaire générale de La Cimade
Dr Jean-François Corty, président de Médecins du Monde France
Camille Desalle, Chargée de développement Grisélidis
Sarah Durocher, Présidente du Planning familial
Cécil Lhuillier, co-secrétaire général Act Up-Paris
Sarah McGrath, Directrice générale Women for Women France
Christine Rouzioux, Présidente d’Arcat et du Checkpoint
Camille Spire, présidente de AIDES
Gaëlle Tellier, vice-présidente SOS Solidarité
Florence Thune, directrice générale Sidaction
Didier Trannoy, Directeur opérationnel CABIRIA
Crédit photo : Corinne Simon
Facilitation graphique : Christel Han
Auteur: Service communication
Cette année est marquée par un triste anniversaire, les 40 ans des centres de rétention ...
Dans un rapport publié le 11 décembre dernier, le Défenseur des droits (DDD) détaille les ...
La Cimade est dans la peine. Lionel Sautter, figure de notre mouvement, est décédé dans la nuit ...
En clôture du festival Migrant’scène, La Cimade vous invite à un ciné-rencontre autour des ...